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Survol de mon parcours

EN INTÉGRALITÉ




Mon engagement au sein du mouvement nationaliste a duré deux décennies.
À vingt ans, j’étais le secrétaire général du puissant syndicat des étudiants corses, la Cunsulta di i Studienti Corsi. Je participais, aussi, à mes premières actions clandestines revendiquées par Ghjustizia Paolina.
À vingt-deux ans, j’avais un fusil à la main face à des centaines de soldats. Ce premier drame humain, avec deux morts et un blessé grave, a eu lieu à Aleria, un certain 22 août 1975.
En 1978, j’ai été le premier visage connu du FLNC en tenant une conférence de presse sans cagoule, entouré de la direction du mouvement.
J’ai subi une bonne dizaine d’interpellations et quatre procès. Condamné, en une matinée, à neuf ans de réclusion, j’ai bénéficié d’un circuit touristique complet de la région parisienne : La Santé, Fleury-Mérogis, Fresnes et Melun.
En 1984, avec un autre dirigeant, nous avons eu le privilège d’être les seuls, dans l’histoire judiciaire française de l’après-guerre, à être embastillés aux Baumettes pour « apologie de crime ».
J’ai été la cible de trois tentatives d’assassinat, dont l’une impliquait des officiers de gendarmerie et, la dernière en date, un militant nationaliste. J’ai aussi été visé, à deux reprises, par des attentats.
Membre de la direction du FLNC1, à la fin des années 80, j’ai eu des décisions douloureuses à prendre. Voilà pour ma vie clandestine.
Mon activité publique a été pareillement intense. Militant de l’ARC, dissolution. Porte-parole de la CCN, dissolution. Secrétaire général du MCA, dissolution. Membre de l’exécutif de la Cuncolta, scission. Dirigeant et élu du MPA2, démission.
Dans ces organisations, j’ai le plus souvent été en charge des relations internationales et de la communication. Rédacteur enchefdujournal U Ribombu , j’ai ensuite participé à l’élaboration de l’hebdomadaire Paese, où un futur prix Goncourt était éga- lement rédacteur3, puis du mensuel Agora.
Candidat-militant aux municipales, législatives, régionales et sénatoriales, j’ai été élu conseiller régional de 1986 à 1992 et conseiller municipal à Bastia de 1988 à 1991.
D’aucuns soulignaient que j’incarnais la dérive légaliste. Ils avaient raison. Je n’ai jamais vraiment cru en une libération nationale, un mythe entretenu pour avoir plus d’impact sur la jeunesse. J’ai compris, après plusieurs déplacements en Irlande et au Pays Basque, que la lutte armée était la dérive assurée pour une partie de ceux qui la pratiquaient et en contra- diction avec la volonté de bâtir une société plus démocratique.
Partisan d’une solution politique, j’ai participé à des négociations avec le ministre de l’Intérieur Pierre Joxe et étais le lien du FLNC avec François Mitterrand pour avancer dans cette direction.
Malheureusement la situation était déjà dramatique avec les prémices d’un sanglant affrontement. Mes propres choix ont contribué à la scission entre FLNC canal habituel et canal his- torique.
En 1992, j’ai fini par prendre mes responsabilités en démis- sionnant de mon poste d’élu régional et de toutes mes fonctions au sein du MPA et du FLNC dit habituel. J’ai été, ainsi, le premier dirigeant nationaliste à appeler à l’auto-dissolution du mouvement clandestin. Ce fut le moment clé de ma vie politique, celui où j’ai été le plus vulnérable, en butte à toutes les hostilités. Mais aussi le plus enrichissant car il donna un autre sens à ma vie.
Nous reviendrons sur tous ces moments forts et bien d’autres encore. Je vous révélerai certains faits tus ou ignorés. Mon intention est de montrer comment des gens normaux, pétris de qualités humaines, peuvent sombrer dans des formes de barbarie. Au nom d’une cause.
Je suis connu pour avoir contribué à sortir un sport de sa traditionnelle marginalité. Les Échecs constituent aujourd’hui la plus grande activité insulaire pour les moins de seize ans ; la ligue, que je préside, est passée de cent vingt licenciés à près de huit mille ! En quinze ans, quarante-cinq mille jeunes ont été initiés, la Corse est ainsi le territoire au plus fort pourcentage de joueurs par tête d’habitants. Il y a davantage d’événements internationaux de haut niveau en Corse que sur l’ensemble du territoire fédéral et nous y organisons la plus grande compétition de masse au monde avec trois mille scolaires. Mais cet univers là n’est pas, non plus, de tout repos. Vous le constaterez...

Sur le plan professionnel, depuis 1992, j’ai développé, dans le secteur du numérique, une entreprise que je crois exemplaire. Corsica Flash est l’une de mes plus grandes fiertés. Je suis tombé, tout petit, dans un bain de pixels, bon... j’avais quand même une trentaine d’années. Fervent utilisateur de Macs, je les ai tous connus, du Mac Plus au dernier Mac Pro. J’ai sûrement été le premier, en 1984, à réaliser un journal en PAO5 en Corse. Corsica Flash a diversifié ses activités. Nous sommes ainsi co- producteurs, avec France-Télévisions, de la seule émission du PAF2 consacrée aux Échecs. Échec et mat, diffusée sur ViaStella, connaît un grand succès au-delà des rivages insulaires.
Mon itinéraire semble donc marqué par des périodes contrastées. Pourtant, dans cette diversité, il y a un fil conducteur. J’ai la conviction que le chemin que l’on emprunte est plus important que l’objectif que l’on s’assigne. Je suis, le mot est indigeste et n’existe d’ailleurs pas, « autodéterminationniste ».
Je suis persuadé que c’est par une responsabilisation citoyenne que s’érigent de saines fondations de la cité et non dans l’exhor- tation institutionnelle. Pas plus que dans le rejet des autres... or le racisme progresse en Corse comme ailleurs et cela me traumatise. L’hostilité à l’Arabe ou au Français sert d’exutoire. Les silences, la complaisance et la démagogie électoraliste ont encouragé cette dégradation de la cité. Il faut nous ressaisir et la Corse peut être exemplaire dans la construction d’une com- munauté de destin.
Nous allons surprendre. Cette conviction, j’ai l’ambition de vous la faire partager à travers l’interprétation d’événements qui ont marqué mon existence.
 
Le Cunsigliu. 
CCN : Cuncolta di i Cumitati Naziunalisti - MCA : Muvimentu Corsu per l’Autodeterminazione - MPA : Muvimentu Per l’Autodeterminazione. 
Jérôme Ferrari, prix Goncourt 2012 pour « Le sermon sur la chute de Rome ».
5 Publication Assistée par Ordinateur. 2 Paysage Audiovisuel Français. 


Rédigé le Dimanche 18 Décembre 2016 à 07:48 | Lu 627 commentaire(s)